Mise à jour hebdomadaire 5 | Vendredi 25 avril
La mise à jour hebdomadaire sur l’élection canadienne présente les tendances et dynamiques observées dans l’écosystème de l'information (Aperçu), identifie et analyse les incidents d'information et les menaces émergentes (Incidents), et partage du contenu éducatif, des résultats de recherche et d’autres publications pertinentes de notre Coalition pour la résilience de l’écosystème de l'information (Mise à jour).
Tous les faits et données proviennent d’un sondage original et d’une collecte sur les médias sociaux réalisée par l’Observatoire de l’écosystème médiatique. L’analyse couvre la période du 18 au 24 avril. Bien qu’il s’agisse de la dernière semaine avant l’élection, une dernière mise à jour sera publiée la semaine prochaine afin de rendre compte de l’état de l’écosystème et des incidents observés à l’approche du scrutin, le jour même et dans les jours qui suivront.
Aperçu
Entre clics et inquiétudes: aperçu des conversations canadiennes pendant l’élection
Cette semaine, à l’approche du jour du scrutin, le 28 avril (n’oubliez pas d’aller voter !), nous revenons sur les conversations en ligne qui ont marqué la campagne — en mettant en lumière les grands thèmes de l’élection, ce qui a compté pour les Canadien.nes et ce que les utilisateurs des médias sociaux ont vu circuler au cours de cette dernière semaine.
Au début de la campagne, nous avions souligné à quel point les Canadiens étaient profondément préoccupés par Trump et les tarifs. Cette semaine, nous examinons les enjeux les plus présents à l’esprit des Canadien.nes, ainsi que l’évolution de leurs préoccupations au cours du dernier mois de la campagne. La figure 1 présente le pourcentage de Canadien.nes qui pensent quotidiennement à certains enjeux politiques majeurs, avec en parenthèses la variation par rapport à la première semaine de la campagne. Au cours des quatre dernières semaines, les changements ont été minimes : 42 % des Canadien.nes déclarent penser chaque jour à Trump et aux tarifs — soit une baisse de 6 % par rapport à la première semaine. Les autres enjeux clés, comme l’environnement, la criminalité et la sécurité, ou la politique étrangère, ont également connu peu de variation. Malgré le silence relatif de Trump et d’influenceurs américains concernant le Canada pendant la campagne, cet enjeu est demeuré au cœur des préoccupations des Canadien.nes.
Ces préoccupations générales des Canadien.nes se reflètent également dans les conversations en ligne. La figure 2 illustre les principaux thèmes abordés pendant la campagne électorale à partir d’environ 500 000 publications provenant de politiciens provinciaux et de candidats fédéraux, d’influenceurs connus et d’organisations médiatiques. Cette visualisation met en évidence les regroupements thématiques que nous avons observés : au centre de la carte, on remarque un noyau dense et multicolore — représentant l’interconnexion du discours dominant. Ces regroupements centraux abordent des préoccupations quotidiennes comme les soins de santé, le logement et l’application de la loi. Il s’agit d’enjeux qui touchent constamment les Canadien.nes et qui se recoupent fréquemment dans les discussions en ligne.
Notre analyse révèle les tendances suivantes :
Au cœur des discussions (le centre de la carte):
Sans surprise en période électorale, la politique était au centre des préoccupations. Des sujets comme l’élection fédérale à venir, les conflits partisans et les efforts de mobilisation communautaire forment les principaux nœuds du réseau. La politique américaine, en particulier celle liée à Donald Trump, demeure également un sujet de discussion très présent.
Les tensions politiques entre le Canada et la Chine, notamment en lien avec l’interférence étrangère, occupent également une place notable. Une grande partie des échanges porte sur les allégations entourant les liens de Mark Carney avec le gouvernement chinois.
Vers la périphérie de la carte:
On observe un regroupement plus isolé : la crise Israélo–Palestinienne constitue un sujet d’engagement important, formant un ensemble serré et distinct. Cela indique un engagement profond mais relativement isolé du reste des discussions, qui semble refléter l’action de communautés mobilisées souhaitant centraliser cette question dans le débat électoral.
En marge, on retrouve également de plus petites discussions portant sur les prix de l’énergie, la sécurité alimentaire et l’identité nationale — y compris des expressions régionales comme la voix culturelle du Québec, ou encore des slogans nationalistes tels que Canada First.
La figure 3 présente les thèmes prioritaires abordés par les candidats des trois principaux partis, ainsi que par les influenceurs et les médias. L’axe des x indique l’importance relative accordée à chaque sujet, c’est-à-dire la proportion de publications consacrées à un thème donné au sein de chaque groupe. Par exemple, les trois partis politiques ont fortement mis l’accent sur la mobilisation de bénévoles et la diffusion d’affiches électorales, alors que ces sujets ont été très peu abordés par les influenceurs et les médias. Les préoccupations économiques — en particulier le commerce, les tarifs douaniers et Donald Trump — sont ressorties comme des enjeux centraux de la campagne, traduisant une inquiétude quant à la stabilité économique et à l’influence potentielle de la politique américaine. Cela dit, ce sont les médias qui ont le plus mis de l’avant ces enjeux, davantage que les candidats ou les influenceurs. Les conservateurs ont accordé une attention particulière à la criminalité et à l’application de la loi, tandis que le NPD a surtout mis l’accent sur la question du logement. Les libéraux, pour leur part, se sont concentrés légèrement plus que les autres sur Trump et sur les questions liées à l’identité canadienne. Un autre enjeu a retenu beaucoup d’attention chez les candidats conservateurs et les influenceurs : les discussions sur l’interférence étrangère, notamment en provenance de la Chine, dans le processus électoral.
Expérience en ligne
Tout au long de la période électorale, nous avons utilisé 15 « comptes avatars » — de nouveaux profils spécialement conçus pour représenter des utilisateurs perçus comme de gauche, du centre, de droite ou non politiques — sur Facebook, Instagram, X, Reddit, TikTok et Bluesky, afin d’observer ce que les Canadien.nes étaient les plus susceptibles de voir dans leurs fils d’actualité. Nous effectuons régulièrement des audits à l’aide de ces avatars — celui de cette semaine a été réalisé le 22 avril.
Les avatars couvrant l’ensemble du spectre politique ont vu un volume important de contenu lié à la plateforme budgétaire du Parti conservateur. Les utilisateurs de droite ont vu des publications mettant de l’avant des thèmes liés à l’abordabilité, à la criminalité et à l’« anti-woke », tandis que les utilisateurs de gauche et du centre ont été exposés à des critiques sur le manque de profondeur des propositions conservatrices, à des moqueries concernant la brièveté du document, ainsi qu’à des publications soulignant l’utilisation répétée de photos du chef Pierre Poilievre. Les libéraux ont mis en lumière des contradictions entre les messages de campagne de Poilievre et le contenu de la plateforme. Nous notons par ailleurs une baisse générale des contenus liés à Donald Trump : seulement 20 % de nos avatars ont vu une mention de sa personne ou de ses politiques tarifaires. De manière générale, le fait qu’une part importante des conversations en ligne soit consacrée aux propositions politiques et au plan budgétaire fédéral est un signe encourageant : cela indique que les Canadiens s’intéressent aux enjeux de fond dans cette campagne électorale.
Incidents d’information
Pendant la campagne électorale, nous rendons compte des incidents d'information susceptibles d’induire le public en erreur et de perturber le processus démocratique. De manière générale, nous nous concentrons sur les tentatives de manipulation de l'information menées de façon clandestine ainsi que sur les efforts d’ingérence étrangère, par opposition aux actions d’influence, qui sont par définition ouvertes et publiques.
Cette semaine, nous signalons deux incidents modérés (l’un toujours en cours et l’autre ayant été réévalué à la hausse depuis la semaine dernière), et nous clôturons un incident mineur rapporté la semaine dernière. Cliquez ici pour en savoir plus sur nos seuils d’intervention en cas d’incident.
Incidents modérés en cours
Fausses nouvelles générées par IA
Notre enquête sur la prolifération de publicités se faisant passer pour de véritables sources d’information se poursuit. Cet incident demeure classé comme modéré en raison de son ampleur, de la nature politique du contenu dans un contexte électoral, et de son impact sur l’écosystème de l'information. L’utilisation de ces fausses publicités est devenue un enjeu majeur de la campagne fédérale canadienne, attirant une attention considérable tant au niveau national (en français et en anglais) qu’international, notamment de la part de The Guardian et du New York Times. Un influenceur de premier plan a abordé ce réseau frauduleux dans une vidéo largement visionnée, accusant ces publicités de contrevenir aux lois électorales et de constituer une forme d’ingérence étrangère susceptible d’influencer les résultats du scrutin. Bien qu’il semble peu probable que ces publicités aient un effet concret sur le résultat de l’élection, ce type de réaction, lorsqu’il est largement diffusé, peut alimenter la méfiance du public à l’égard du processus électoral. Par ailleurs, l’organisme international Reset Tech a publié un rapport soulignant l’ampleur mondiale des réseaux de publicités frauduleuses sur Facebook, suggérant que les tendances révélées par notre enquête actuelle ne représentent que la partie émergée d’un iceberg global.
Dans notre deuxième mise à jour sur cet incident (à paraitre aujourd’hui sur cette page), nous présenterons des précisions sur l’évolution de la situation depuis le début de la campagne, les caractéristiques des pages et URL concernées, ainsi que sur les réponses apportées jusqu’ici — et celles qu’il conviendrait d’envisager — face à ce phénomène croissant. Étant donné la réactivité limitée et incomplète des plateformes sociales face à ce type de contenu, nous continuons d’identifier chaque jour de nouvelles pages diffusant des publicités frauduleuses à caractère politique (nous avons recensé plus de 80 pages Facebook, dont seulement environ la moitié a été supprimée par Meta depuis le début de la campagne). En outre, bien que les publicités contenant des vidéos générées par IA soient généralement retirées, nous avons constaté que des versions modifiées (par exemple recadrées, agrandies ou avec des bandes colorées en haut et en bas) sont souvent republiées par d’autres pages.
Montée des allégations portant atteinte à l’intégrité électorale
Au cours des semaines précédentes, nous avons signalé une série d’allégations remettant en question l’intégrité électorale, allant d’accusations de trucage du scrutin à des controverses autour des machines de vote Dominion (qui ne sont pas utilisées au Canada) lors de la semaine 3, jusqu’à des doutes sur la fiabilité des sondages pendant la semaine 4. Cette semaine, on observe une montée marquée des affirmations en ligne mettant en doute la sécurité et l’intégrité de l’élection, qui semblent viser intentionnellement à miner la confiance dans un processus électoral juste et équitable ainsi qu’envers Élections Canada. En raison du niveau d’engagement suscité par ces affirmations, de leur influence sur le comportement pendant le vote par anticipation (y compris des cas de harcèlement envers des travailleurs électoraux), des menaces qu’elles représentent pour la réputation d’Élections Canada et des risques qu’elles posent pour le déroulement global de l’élection, cet incident a été reclassé à un niveau modéré.
Bien qu’une série d’allégations ait continué à circuler cette semaine, certaines sont plus préoccupantes que d’autres — notamment la conversation autour du fait d’« apporter son propre stylo ». Cette affirmation encourage les électeurs à se présenter au bureau de vote avec leur propre stylo, en prétendant que c’est une option plus « sécuritaire » que d’utiliser le crayon fourni par Élections Canada, sous-entendant ainsi que cela réduirait les risques de falsification des bulletins par les travailleurs électoraux. Bien que ce conseil puisse sembler anodin — du type « mieux vaut prévenir que guérir » — il est souvent associé à une méfiance plus large envers le personnel électoral et à la perception qu’Élections Canada pourrait chercher à manipuler les résultats de l’élection.
Ces allégations s’appuient fréquemment sur des anecdotes signalant l’absence de stylos dans certains bureaux de vote, interprétée comme une tentative systématique d’Élections Canada de décourager l’utilisation d’instruments d’écriture plus difficiles à effacer. Cela a mené à des cas de harcèlement envers des travailleurs électoraux qui fournissent les crayons — pourtant l’instrument par défaut qui leur est remis.
La diffusion rapide de cette affirmation pendant la période de vote par anticipation constitue un exemple clair de risque d’ingérence intérieure à l’approche du jour du scrutin. Nous avons observé une nette augmentation des publications sur les médias sociaux à ce sujet, répartie en deux vagues principales : autour du 14 avril, lorsque les premières allégations liées à l’utilisation des stylos ont émergé, puis entre le 18 et le 21 avril, pendant la période de vote par anticipation. Sur X/Twitter, les publications contenant les mots « stylo » et « élection » ont été multipliées par 11, tandis que les vues de ces publications ont été multipliées par plus de 17, atteignant un total de plus de 467 000 vues. Sur TikTok, nous avons identifié cinq publications abordant ce sujet qui ont généré à elles seules 710 000 vues pendant la même période. Nous anticipons une nouvelle hausse marquée de l’activité sur ce thème à l’approche du jour de l’élection.
Au-delà de la controverse entourant l’usage des stylos, d’autres allégations émergentes concernent la radiation présumée injustifiée d’électeurs des listes électorales, des cas allégués de vote sans vérification d’identité, et des accusations selon lesquelles Élections Canada ferait preuve de partialité politique.
Alors que de telles affirmations continuent d’apparaître, de susciter l’attention et d’influencer les perceptions et comportements électoraux, nous poursuivrons nos enquêtes et fournirons des analyses sur la nature et le volume de ces propos le jour du scrutin. Nous observerons également la manière dont ces messages se propagent — y compris les signes de coordination — ainsi que leur impact.
Il convient de souligner que la confiance des Canadien.nes dans les résultats électoraux et dans la capacité d’Élections Canada à organiser l’élection de manière équitable demeure stable dans le temps et ne semble pas avoir été affectée par ces affirmations circulant en ligne. Nos sondages mensuels montrent un niveau constant de confiance (« Pas mal confiance ») dans les résultats à venir, ainsi qu’une confiance élevée dans la capacité d’Élections Canada à gérer équitablement le processus (juste en deçà du niveau « Très confiance »). Cette stabilité est également observée dans nos échantillons quotidiens tout au long de la campagne électorale.
Note importante : nous rendrons compte de cet incident modéré après l’élection.
Incident mineur clos
L’affaire des macarons : des macarons controversés placés par les libéraux à la conférence Canada Strong and Free Networking
La semaine dernière, nous avons rapporté l’« affaire des macarons », dans laquelle deux employés libéraux (depuis réaffectés) ont placé des macarons lors d’un rassemblement conservateur à Ottawa dans le but de faussement représenter les opinions des partisans conservateurs. Nous avons poursuivi notre enquête afin de déterminer s’il y avait eu une amplification artificielle de ces messages ou si cette nouvelle avait déclenché une méfiance généralisée envers l’intégrité du processus électoral. Nous clôturons cet incident et soulignons qu’aucune preuve d’amplification artificielle ou de lien avec des allégations de fraude électorale ou de remise en question de l’intégrité électorale globale n’a été trouvée. Nous rappelons que la déformation des propos, des symboles ou des actions d’un adversaire politique est une tactique couramment utilisée dans les campagnes de désinformation. Nous appelons les Canadien.nes — et en particulier les partis politiques — à ne pas recourir à des pratiques telles que l’astro-turfing ou la manipulation de l’information.
COALITION RESOURCES
Centre for the Study of Democratic Institutions (CSDI)
« L’élection est-elle truquée ? » C’est une question qui préoccupe Chris Tenove, directeur adjoint du CSDI, alors que les Canadien.nes s’apprêtent à voter. Avec les rumeurs de fraude qui circulent déjà, la confiance du public est plus que jamais en jeu. Pour en savoir davantage, lisez son texte d’opinion dans le Maclean’s.
Democratic Engagement Exchange
Joignez-vous à nos partenaires du Democratic Engagement Exchange pour le Sommet canadien sur le vote — le plus grand forum non partisan au pays sur la démocratie électorale — qui se tiendra à Montréal les 20 et 21 mai 2025. Avec des sessions sur la désinformation, l’intelligence artificielle et l’avenir de la participation citoyenne, c’est un événement incontournable pour toute personne œuvrant dans le domaine électoral.
Utilisez le code PROOBJLDMTQ lors de l’inscription pour bénéficier d’un rabais spécial offert à la communauté. Des bourses sont également disponibles.
Découvrez le programme complet ici.
Digital Forensic Research Lab (DFRLab)
Lisez ici le plus récent article du DFRLab : “Bot-like activity targets Canadian political parties and their leaders ahead of election” ici.
Digital Public Square
Dans le cadre de leur projet COMET, qui vise à mieux comprendre et réduire la vulnérabilité à l’extrémisme violent au Canada, Digital Public Square a lancé Canada Is Talking. Cet outil numérique invite les Canadiens à partager leurs points de vue sur des enjeux sociaux et politiques, tout en encourageant une participation civique non violente. Essayez-le ici.
DisinfoWatch
Dans sa plus récente mise à jour électorale, DisinfoWatch souligne que les médias d’État russes s’intéressent de plus en plus à Mark Carney depuis son élection à la tête du Parti libéral. Leur rapport, intitulé « RT Recycles Far-Right Canadian Election Videos and Targets Mark Carney », est disponible ici.
Collaboration avec KoboToolbox
Tout au long de cette élection, nous avons collaboré avec KoboToolbox pour suivre les incidents de manipulation de l’information. Pour en savoir plus sur la façon dont cette collaboration nous a permis de repérer et d’analyser des centaines de publications sur les médias sociaux, consultez cet article de blogue.
Cette semaine, sur notre ligne de signalement:
Nous avons reçu un total de 213 signalements depuis le début de la période électorale, dont 19 nouveaux cette semaine.
Parmi ces nouvelles soumissions, 58 % concernent des publications sur Facebook, 21 % concernent YouTube, 10.5% Instagram. Les 21.5 % restants proviennent de sites web/médias d'information.
Les signalements de cette semaine portent principalement sur trois grands thèmes* :
Préoccupation concernant des publications sur Facebook diffusant de la désinformation politique et financière visant Mark Carney, Justin Trudeau et le Parti libéral.
Partage coordonné de désinformation sur la santé et les élections — notamment des contenus liés à la pneumoconiose — sur plusieurs pages Facebook, impliquant Mark Carney.
Désinformation sur la santé liée à la pneumoconiose et aux travailleurs du charbon diffusée sur Facebook, niant souvent l’existence de traitements et établissant des liens avec Mark Carney.
* Remarque : Les sujets signalés reflètent les préoccupations courantes des utilisateur·rice·s. Certains peuvent mener à l’ouverture d’incidents potentiels dans l’écosystème médiatique, mais ils n’indiquent pas nécessairement la présence de menaces ou d’événements imminents.